Relations globales entre sédimentation de black shales océaniques et dépôts subséquents de phosphates. L'exemple du Crétacé moyen-supérieur de l'Atlantique centre et nord et du Crétacé supérieur-Eocène de la bordure ouest et nord du bouclier Africano-arabe
Global Relations Between the Sedimentation of Oceanic Black Shales and Subsequent Phosphate Deposits. Example of the Middle-Upper Cretaceous in the Central and Northern Atlantic and of the Upper Cretaceous-Eocene on the Western and Northern Edges of the African-Arabian Shield
Muséum National d'Histoire Naturelle
A l'échelle mondiale, les grandes accumulations de phosphates sédimentaires apparaissent irrégulièrement réparties dans le temps. Celles du Crétacé supérieur-Eocène de la bordure ouest et nord du bouclier africano-arabe sont quantitativement exceptionnelles et intéressantes par les réflexions qu'elles suggèrent sur un mécanisme global. On insiste d'abord sur certaines données océanographiques actuelles : flux des matières phosphatées vers l'océan et dans l'océan; répartition des phosphates dans les masses d'eaux océaniques et en particulier dans les eaux euxiniques. Puis quelques théories proposées pour rendre compte du caractère épisodique de la sédimentation phosphatée sont rappelées et critiquées (Strakhov, Fischer, Arthur, Sheldon, etc. ). Puis la répartition par pays des quantités de phosphates déposées dans une partie des domaines mésogéen et atlantique est précisée. Elle justifie de focaliser notre attention sur les phosphates marocains, de loin les plus abondants et localisés en position clé. On rappelle néanmoins que la double évolution latitudinale au Crétacé et au Paléogène du Nord vers le Sud dans l'actuel hémisphère nord et du Sud vers le Nord dans l'actuel hémisphère sud rend peu crédibles les interprétations purement latitudino-climatiques de ces dépôts phosphatés. Sur le cas du Maroc, les conditions préalables à cette sédimentation phosphatée sont précisées et discutées : existence de transgressions marines pelliculaires, de séries condensées; rémission des apports détritiques ( le silence de la terre ); confinement (origine et modalité d'action). Ces conditions à elles seules ne peuvent pas expliquer l'extraordinaire flux phosphaté de cette époque. On rappelle alors que les accumulations de matière organique des black shales du Crétacé moyen-supérieur de l'Atlantique -parmi les plus importantes de l'histoire de la terre- ne présentent nulle part leur contrepartie en phosphore. Les deux phénomènes apparaissent parfaitement complémentaires et ils s'éclairent mutuellement : le phosphore aurait été capitalisé dans les mers à black shales euxiniques de l'Atlantique; puis, lors de l'établissement des premières circulations, il aurait été recyclé sur les plates-formes épicontinentales bordant l'est de cet océan. La discussion porte sur l'ajustement chronologique des deux phénomènes et sur l'interprétation des phosphates téthysiens (Europe, Proche-Orient, etc. ) dans la perspective des mécanismes proposés. Loin des explications unifactorielles, on souligne la conjonction de facteurs responsables de ce phénomène phosphaté ainsi que de son âge et de ses modalités d'expression.
Abstract
On a global scale, the large-scale accumulations of sedimentary phosphorites seem to be irregularly distributed in time. The ones from the Upper Cretaceous- Eocene on the western and northern edges of the African-Arabian shield are quantitatively exceptional and are interesting because of the ideas they suggest as to a global mechanism. First of all, some present-day oceanographic data are emphasized - movement of phosphate-containing material towards and inside the ocean, distribution of phosphates in oceanic water masses and especially in euxinic waters. The several theories formely proposed to explain the episodic nature of phosphate sedimentation are reviewed and criticized (Strakhov, Fischer, Arthur, Sheldon, etc. ). Then the breakdown by countries of the amounts of phosphates deposited in part of the Mesogean and Atlantic realms is given. This causes us to focus our attention on the Moroccan phosphates which are by far the most abundant and are situated in a key position. Nevertheless, it is recalled that the dual latitudinal evolution in the Cretaceous and Paleogene, from the north towards the south in the present northern hemisphere, and from the south towards the north in the present southern hemisphere, makes purely latitudinal-climatic interpretations of these phosphate deposits very unlikely. For the case of Morocco, the conditions prior to this phosphate sedimentation are described and discussed - existence of pellicular marine transgressions, of condensed series; the interruption of detrital influxes (the silence of the Earth ); restriction (origin of the action and how it proceeded). These conditions by themselves cannot explain the extraordinary phosphate movement at that time. It is then shown that the accumulations of organic material in the Middle-Upper Cretaceous black shales in the Atlantic - among the largest in the history of the Earth - nowhere have their counterpart in as far as phosphorous is concerned. The two phenomena seem quite complementary and mutually cast light on one another. Phosphorous probably accumulated in euxinic black shale seas in the Atlantic. Then, during the settling of the first circulation effects, this phosphorous was probably recirculated onto the epicontinental shelves on the eastern edge of this ocean. The discussion deals with the chronological fitting of the two phenomena and with the interpretation of Tethysian phosphates (Europe, Middle East, etc. ) in the light of the mechanisms that have been proposed. Far from giving unifactorial explanations, we emphasize the combination of factors responsible for this phosphate-deposit phenomenon as well as for its age and how it is expressed.
© IFP, 1986